Les protestants d’Algérie spoliés d’une église après l’avoir prêtée aux pouvoirs publics

Publié le par ABRAHAM, le père de la foi

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C’est la colère après la décision des autorités de Mostaganem de s’emparer d’un bâtiment appartenant à l’Eglise protestante d’Algérie (EPA). Les locaux avaient été gracieusement mis à disposition du centre de santé de la collectivité publique par les chrétiens, voilà 36 ans, qui devaient les récupérer après le déménagement du centre en janvier 2012. Les riverains demandent que l’ancienne église soit transformée en mosquée. L’affaire illustre les difficultés des protestants à se faire réellement accepter et par les autorités et par leurs compatriotes dans ce pays où l’islam est religion d’Etat.

C’est après avoir envoyé un fidèle de l’église pour garder le bâtiment que l’EPA a appris que les autorités refusaient de lui rendre son bien. La police a exigé le départ du gardien, et des associations humanitaires squattent, depuis, le bâtiment pris « par effraction après avoir détruit et changé la serrure de la porte du temple ». Pourtant, Mustapha Krim, assure que l’EPA, qu’il préside, dispose d’un certificat de propriété. Les autorités locales n’en ont cependant cure et considèrent l’occupation illégale avec bienveillance. L’Eglise se prépare à un recours à la justice et a demandé un entretien avec le procureur de la République du tribunal de Mostaganem. L’affaire peut surprendre car elle intervient dans un contexte de prise en compte des protestants d’Algérie.

Une reconnaissance teintée de méfiance

Très longtemps, les protestants ont été ignorés des pouvoirs publics et ont vécu dans un flou juridique très dangereux pour leur sécurité. L’ordonnance du 28 février 2006 relative aux pratiques de culte non musulmans en Algérie est une menace pour les églises informelles, ces dernières étant davantage susceptibles d’accueillir des musulmans. Or, le texte prévoit des peines allant de 2 à 5 ans de prison pour qui « incite, contraint ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion ». Son article 2 dispose que « L’Etat algérien dont la religion est l’Islam garantit le libre exercice du culte dans le cadre du respect des dispositions de la Constitution, de la présente ordonnance, [...] L’Etat garantit également la tolérance et le respect entre les différentes religions. » Cette ordonnance n’autorise, entre autres, que les cultes communautaires dans des bâtiments « destinés à cet effet, ouverts au public et identifiables de l’extérieur. » Tout culte public doit être préalablement déclaré. C’est ainsi que quatre protestants, qui avaient ouvert un lieu de culte dans leur village d’Ath Ateli, ont été condamnés à des peines allant de deux à trois mois de prison avec sursis en décembre 2010 après avoir été dénoncés par les autres villageois qui réclamaient la fermeture de l’église. Cependant, l’Etat algérien a surpris en reconnaissant l’EPA en juillet 2011, et les 27 communautés de l’organisation jouissent désormais d’un certificat de conformité. Les avantages sont importants, par exemple une obtention facilité d’un permis de construire. C’est grâce à cet agrément qu’un préfet a annulé un arrêté ordonnant à sept églises de cesser leurs activité, arrêté qui avait été pris à l’endroit des cabarets, débits de boisson et églises protestantes suite à des… troubles dans une station balnéaire. L’attitude des autorités de Mostaganem peut surprendre alors que les relations entre les protestants et l’Etat se dirigent vers davantage de justice. C’est la crainte d’un développement du christianisme qui inquiète.

Si les riverains disent reconnaître aux protestants le droit de pratiquer leur culte, ils affirment craindre que ces derniers ne fassent du prosélytisme ; dès lors, ils réclament que le centre soit réaffecté à un service sanitaire ou transformé en lieu de culte musulman. La progression des communautés chrétiennes inquiète le pays. Mustapha Krim, lui-même, s’étonne : « Tout au long du XXe siècle, des missionnaires catholiques et des pasteurs protestants ont témoigné de leur foi en Algérie. Mais il y a eu très peu de conversions. Pourquoi y en a-t-il maintenant ? Pour moi, c’est assez mystérieux. » Avant de proposer quelques pistes, ainsi la réception de l’Evangile via les chaînes satellites ou Internet. Le président de l’EPA nuançait cependant les affirmations des médias et des autorités quant au nombre des chrétiens, dans un entretien accordé en 2008 à la Fédération protestante de France, assurant qu’elles relevaient de la caricature. Pour contrer cette croissance plus ou moins avérée, l’ordonnance de 2006 est sévèrement appliquée, un jeune chrétien a par exemple été condamné à 5 ans de prison et 20 000 dinars d’amende pour avoir donné un CD de témoignages d’anciens musulmans égyptiens devenus chrétiens.

Déplorant la spoliation de l’église de Mostaganem, Mustapha Krim refuse de ne pas être considéré comme un vrai Algérien : « Il est inacceptable qu’à la veille du cinquantenaire de l’indépendance de notre pays on continue à considérer les chrétiens d’Algérie comme des colons. » Le pasteur Mahmoud Yahou, l’un des quatre chrétiens condamnés en décembre 2010 pour l’ouverture d’une église met en évidence le soubassement de l’incompréhension : « Ici, on naît arabe et forcément musulman. Faire le choix d’une autre religion est perçu comme un acte contre-nature ou de haute trahison. » Un isolement qui oblige des Algériens à s’adresser à d’autres pays comme l’Allemagne au risque de passer toujours plus pour des étrangers.

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